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NPA 27 -  Eure

Le Chili en pleine lutte des classes

29 Août 2011 , Rédigé par NPA 27 Publié dans #International

Le Chili en pleine lutte des classes

liberation.fr

 Les étudiants manifestent depuis trois mois contre un système scolaire inégalitaire hérité de Pinochet.

Par CLAIRE MARTIN De notre correspondante au Chili

Chili-etudiants.JPG«C’est une excellente élève mais elle ne pourra peut-être pas aller à l’université», s’émeut Paola Castillo, à propos de sa fille aînée, Victoria, 16 ans. Mon salaire ne me permet pas de l’y envoyer.» Employée dans une imprimerie, cette mère célibataire de trois enfants gagne l’équivalent de 372 euros par mois, un peu plus que le salaire minimum touché par une majorité des Chiliens. «Pour un cursus à l’université publique ou privée, reprend-elle, il me faudrait payer 23 700 euros environ à l’année, 64 fois mon salaire…»

Dès qu’elle peut, cette jolie blonde de 38 ans sort donc une banderole sur laquelle elle a écrit «Président Piñera, toi, tu as étudié gratuitement, pourquoi pas mes enfants ?» et défile avec Victoria et les centaines de milliers d’étudiants et d’élèves du secondaire qui manifestent depuis trois mois dans les rues des grandes villes chiliennes. Ils exigent une éducation publique, gratuite et de qualité. Une éducation qui cesse d’être une source de profit.

 

Un million dans la rue le 21 août

 «C’est maintenant ou jamais ! lance Paola. Les jeunes sont nés après la dictature [du général Augusto Pinochet, entre 1973 et 1990, ndlr]. Ces enfants de la démocratie nous ont réveillés ! Nous, les adultes, avions peur de protester.» Le mouvement, de plus en plus social, est soutenu par 80% de la population. «Le printemps a commencé plus tôt que d’habitude», s’est félicitée l’une des dirigeantes emblématiques de la mobilisation, Camila Vallejo, en référence au «printemps arabe». Le 21 août, la manif a réuni près d’un million de personnes. «Le peuple a besoin et exige une réforme en profondeur du modèle éducatif.» Cette géographe de 23 ans, communiste et présidente de la Fech, une fédération d’étudiants, ajoute : «Le gouvernement est tout seul maintenant, il doit comprendre que soutenir […] un modèle mercantile qui a pour finalité le profit n’a plus lieu d’être.»

 

Privatisation massive du système éducatif

Le système éducatif chilien, parmi les plus chers, les plus privatisés du monde, et de qualité médiocre, date de la dictature de Pinochet. Dans les années 80, il ouvre l’université au secteur privé et municipalise l’éducation primaire et secondaire. Avant lui, la scolarité était gratuite. Depuis, de l’école primaire à l’enseignement supérieur, beaucoup d’établissements font du profit et pratiquent des frais d’inscription prohibitifs. Un système qui a attribué aux familles une grande partie de la charge financière des études. «Il a aussi établi une ségrégation presque parfaite», ajoute Victoria, qui vit avec toute sa famille à Peñalolén, dans une des communes de classe moyenne de Santiago. «Si on n’est pas un excellent élève, c’est la situation économique de nos parents qui détermine là où on va étudier.»

 

Rembourser un crédit bancaire trois  le prix réel des études...

Victoria ne sait pas encore ce qu’elle veut faire plus tard, mais cette scientifique née - 19,7 de moyenne en mathématiques - est déjà stressée. «Si je n’ai pas de bonnes notes, je ne pourrai pas entrer dans une université d’Etat, avoue-t-elle. Elles coûtent chères mais beaucoup moins que les universités privées, sont bien meilleures et offrent de nombreuses bourses.»

Seulement, la sélection à l’entrée y est rude. «Moi, j’ai 16 de moyenne mais ce n’est pas suffisant», soupire sa cousine Paloma, 18 ans. Elle voudrait être infirmière. «Pour obtenir une bourse, il faudrait que je fasse partie des plus pauvres», explique cette fluette jeune fille aux jolis yeux en amande. «La seule solution, c’est de demander un crédit bancaire, de payer, avec les intérêts, trois fois le prix réel de mes études et de m’endetter pour quinze ou vingt ans, poursuit-elle avec rage. Et le pire, c’est qu’un diplôme d’université privée ne m’assure pas de trouver du travail à la sortie parce que les études y sont de mauvaise qualité !»

 

«Révolutionnaires». Pour payer leur dette - près de 30 000 euros en moyenne -, les diplômés chiliens sont obligés de trouver rapidement un emploi, et 56% d’entre eux travaillent dans des domaines différents de leurs études. En signe de protestation, Victoria et Paloma occupent leurs établissements, comme beaucoup d’autres dans le pays. «Je n’ai pas peur de gâcher mon année, lance Victoria. Une fois que ce système aura changé, je pourrai aller à l’université sans m’endetter !»

Une confiance dans le changement qui contraste avec les réformes du gouvernement du Président, Sebastián Piñera (droite), en chute libre dans les sondages, avec 26% de popularité. Qualifiées de «révolutionnaires» par le ministre de l’Intérieur, Rodrigo Hinzpeter, elles améliorent le système éducatif sur la forme. Une des mesures phares consiste à faire baisser les taux d’intérêts des crédits étudiants de 5,6% à 2%. Mais le ministre ne répond pas aux revendications de ces derniers, qui demandent une refonte du système. De fait, ces annonces ne sont destinées qu’à faire basculer l’opinion - notamment les parents d’élève. Sebastián Piñera a invité vendredi les étudiants au dialogue au palais présidentiel : «Le temps est venu de réagir,de nous retrouver autour d’une table dans un climat de paix.» «Ils ne voudront rien changer, se méfie Oscar Medel, le petit copain de Paloma. La plupart des hommes politiques ont des intérêts financiers dans l’éducation.»

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